Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Les fêtes sous la révolution sous la surveillance de la Chetite Douzaine


Les fêtes sous la révolution sous la surveillance de la Chetite Douzaine ( Présent dans )(1)

Sous la 1ère Révolution, elle avait échangé son nom d’Esplanade de la Porte César , qui parait-il, sautait un peu trop l’ancien régime, contre celui de Place Victoire . Un Arbre de la liberté y avait été planté, en avant des tilleuls, c’est à dire à peu près à égale distance de ces arbres et du mûr du jardin Danjou . Tous les anniversaires chers aux Républicains , toutes les fêtes organisées à cette époque pour détourner les regards du public des atrocités commises à Paris et ailleurs, étaient célébrés à la Porte César. Des autel s (autel) à la patrie y étaient dressés, la soi-disant Déesse Raison {E019} y prenait place au milieu des chants qui passaient alors pour patriotiques et qui n’étaient que révolutionnaires et antireligieux. Toute la population était tenued’assister à ces cérémonies et personne n’y manquait tant la peur de passer pour suspect et de servir de pâture à la guillotine talonnait les habitants. La Chetite Douzaine veillait et chacun tenait à faire montre de son patriotisme devant les misérables espions dont elle était composé. On appelait alors la Chetite Douzaine , douze habitants qui passaient pour avoir des idées très avancées et être en relation avec les plus enragés révolutionnaires de Paris . Ils étaient délégués par le Club Révolutionnaire de Sancerre et ils étaient chargés de signaler les suspects et de rendre compte de tout ce qui se passait dans la ville. Ils avaient le droit de se faire ouvrir les habitations, de jour comme de nuit et de procéder à toutes recherches et perquisitions. Il leur était alloué à chacun cinq francs par jour. Je connais les noms de ces bons garnements qui étaient la terreur non seulement des habitants tranquilles mais encore des citoyens les plus assidus au club mais en considération de leurs enfants et petits enfants qui sont de très honnêtes gens, je ne les consignerai pas ici. (2)

Ces fêtes étaient ridicules et grotesques pour que ceux qui lisant ces lignes puissent s’en faire une idée, je veux en raconter une avant de terminer cet article. (3)

Le 13 pluviôse an six, le conseil des anciens ayant promulgué une loi ordonnant la célébration annuelle d’une fête de la souveraineté du peuple le directoire exécutif régla par un arrêté du 28 du même mois, la manière donc cette fête serait célébrée et décida qu’elle aurait lieu dans toutes les communes de la République le 30 ventôse suivant. (4)

En exécution des ordres qu’elle reçut, la municipalité de Sancerre ayant alors à sa tête le Sieur Joseph Thuault , adjoint municipal (la place d’Agent étant vacante) prit toutes les {Bonnin page : 352} dispositions nécessaires pour la circonstance. (5)

Le 29 ventôse au soir, la retraite fut battue en ville et une décharge d’artillerie annonça la fête du lendemain. Le 30 au matin, le réveil fut battu dans tous les quartiers et une nouvelle salve d’artillerie fut tiré à la Porte César. (6)

A dix heures du matin, la municipalité assistée des fonctionnaires publics, des instituteurs et de leurs élèves et escortée par La Garde Nationale , partit de la maison commune et se rendit à la Porte César. Trente vieillards mariés ou veufs (les célibataires étaient exclus) tenant un bâton blanc à la main et représentant la souveraineté du peuple suivaient le cortège avec quatre élèves des écoles primaires portant de bannières sur lesquelles se trouvaient les inscriptions présentes par l’arrêté du directoire exécutif, savoir : (7)

Sur la 1ère bannière : (8)

La souveraineté réside essentiellement dans l’universalité des citoyens (art. 17 des droits de l’homme et du citoyen) (9)

Sur la 2ème bannière : (10)

L’universalité des citoyens français est le souverain (art. 2 du code constitutionnel) (11)

Sur la 3ème : (12)

Nul ne peut sans une délégation légale exercer aucune autorité ni remplir aucune fonction publique (art. 19 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen) (13)

Sur la 4ème : (14)

Les citoyens se rappelleront sans cesse que c’est de la sagesse des choix dans les assemblées primaires et électorales que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la République (art. 376 de la constitution) (15)

Les quatre jeunes gens porteurs des bannières avaient été préalablement choisis par les trente vieillards, parmi ceux qui avaient fréquenté avec le plus d’assiduité les écoles primaires et qui s’étaient distingués par leur patriotisme. (16)

Une enceinte avait été formée à la Place Victoire (Porte César). Au milieu et sous l’Arbre de la liberté , s’élevait un autel à la patrie enterré de verdure et surmonté du drapeau tricolore. Sur cet autel se trouvait placé le livre de la constitution. (17)

Lorsque le cortège fut arrivé dans l’enceinte, les jeunes gens porteurs des bannières allèrent les planter aux deux côtés de l’autel de la patrie. Les trente vieillards représentant la souveraineté du peuple se rangèrent en demi-cercle devant cet autel en élevant leurs bâtons blancs. La municipalité, les fonctionnaires, les instituteurs et leurs élèves restèrent en dehors de l’enceinte. (18)

{Bonnin page : 353b} (19)

Vue prise premier le 1ersiège (20)

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{Bonnin page : 353} (22)

La cérémonie commença par un chant patriotique accompagné d’instruments de musique. Les vieillards s’annoncèrent alors jusqu’au milieu de l’enceinte et réunissant leurs baguettes. Ils en formèrent un faisceau qu’ils lièrent avec des bandelettes ou rubans tricolores. L’un des vieillards monta ensuite sur les degrés de l’autel de la patrie et adressa aux magistrats présents les paroles suivantes : (23)

« La souveraineté du peuple est inaliénables comme il ne peut exercer par lui même tous les droits qu’elle lui donne, il délègue une partie de sa puissance à des représentants et à des magistrats choisis par lui même ou par des électeurs qu’il a nommés. C’est pour se pénétrer de l’importance de ces choix que le peuple se rassemble aujourd’hui. » (24)

Le sieur Pierre Meunier , précédent de l’administration municipale du canton de Sancerre, répondit par ces mots. (25)

« Le peuple a su par son courage reconquérir ses droits trop longtemps méconnus. Il saura les conserver par l’usage qu’il en fera. Il se souviendra de ce précepte qu’il a lui même consacré par sa charte constitutionnelle, que c’est de la sagesse des choix dans les assemblées primaires et électorales que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la République. » (26)

Après ces paroles, il donna lecture solennelle de l’arrêté du Directoire exécutif sus visé. (27)

Le citoyen Abraham Honoré Malfuson , membre du Département du Cher, le citoyen Pierre Meunier sus nommé et le citoyen Lie Dugenne , commissaire du directoire exécutif près l’administration municipale prononcèrent ensuite des discours qui furent vivement applaudis. (28)

Les chants patriotiques et les airs de musique reprirent de plus belles accompagnés des cris de : « Vive la République !! » (29)

Une dernière salve d’artillerie annonça la fin de la cérémonie. (30)

Le cortège reprit le chemin de la maison commune. Les jeunes gens qui partaient au commencement de la cérémonie les bannières décrites à la page précédente portaient au retour le livre de la constitution et le faisceau de bâtons blancs. Ils se tenaient devant les magistrats qui marchaient aux mêmes devant les vieillards. (31)

Des danses publiques, qui eurent lieu le soir après dîner, dans une des salles de la maison commune, terminèrent la fête. (32)

L’Arbre de la liberté de la Place Victoire (ou de la Porte César) fut abattu le 13 germinal an IV par l’Armée Sabotière tous les ordres de Phélippeaux (Georges Louis Phélypeaux d’Herbault). (33)

{Bonnin page : 354} (34)