Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Hommage à Pierre Alexandre Bonnet


Hommage à Pierre Alexandre Bonnet ( Présent dans )(1)

Qu’il me soit permis, avant de passer à la description d’un autre immeuble de rappeler ici ce que fut l’homme de bien qui habite la maison Chamaillard du 18 août 1833 au 8 octobre 1861. Je veux parler de Monsieur Pierre Alexandre Bonnet , Chevalier de la Légion d’Honneur , docteur en médecine et Maire de Sancerre. (2)

Les relations journalière que j’eus avec lui en raison de mes fonctions, pendant plus de huit ans, et plus encore le sincère attachement dont il m’honorait, m’ont mis, mieux que personne, à même d’apprécier les nobles qualités qui le distinguaient,. Je dois à sa mémoire de les transmettre à eux de mes concitoyens qui lisant plus tard ma description de Sancerre. (3)

Né à Groises (Cher) le 9 mars 1809, de François Bonnet , fermier et de Thérèze Mulon , Pierre Alexandre Bonnet reçut pour ainsi dire avec le lait maternel les premières notions de la religion sainte qui devait le consoler et la fortifier à sa dernière heure son père, furent chrétien, voulut qu’il fut, ainsi que ses trois autres garçons, élevé au Séminaire de Saint Gaultier (4)

{Bonnin page : 203 additif} (5)

photo de Bonnet Alexandre (6)

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{Bonnin page : 204} ou son intelligence, son goût prononcé pour l’étude, le poussèrent bientôt aux premières places. Ne se sentant aucune vocation pour le sacerdoce, il quitta le séminaire, mais son grand cœur lui fit choisir une carrière dans laquelle il devait aussi se dévouer jusqu’à la fin pour le bien de l’humanité. Après avoir reçu les diplômes de Bachelier es lettres et de Bachelier es Sciences, il entra à l’école de Médecine. Il s’y trouvait en 1832 à l’époque où le choléra fit tant de ravages dans la capitale. Un certain nombre d’étudiant en médecine se dévouèrent pour soigner les cholériques que la peur faisait abandonner de tous. Monsieur Bonnet ne pouvait rester en arrière et il se distingua tellement dans cette circonstance qu’il reçut de la ville de Paris, une médaille en bronze grand module, en témoignage de son dévouement. Après avoir conquis le grade de docteur, il vint se fixer à Sancerre où il épousa le 18 août 1833 Mademoiselle Hélène Joséphine Vaillant de Guélis. C’est alors qu’il vint habiter la maison ci-dessus décrite qu’était occupée par sa belle mère, sa femme et son beau-frère Monsieur Cyprien Napoléon Vaillant de Guélis , aumonier de la Prison . (8)

Jusqu’en 1851, il ne s’occupa que de ses malades et de sa famille, à cette époque il fut, pour ainsi dire, nommé malgré lui, Maire de Vinon . (9)

En 1852, la Mairie (Hôtel de Ville) de Sancerre étant vacante par suite de la démission de tout le corps municipal, Monsieur le Vicomte de Bardonnet , Sous-Préfet , jeta les yeux par lui et il lui proposera de le désigner aux choix du gouvernement en qualité de maire. Sa modestie s’effraya longtemps de l’honneur que l’administration voulait lui conférer en même temps qu’il hésitait à accepter la lourde charge qui lui était présentée. Il n’ignorait pas en effet combien sa positions serait difficile avec un conseil municipal composé de protestants qui lui seraient tous hostiles à cause de ses sentiments religieux bien connus et de vigneron inintelligents, toujours prêts par orgueil un par bêtise à faire de l’opposition. Néanmoins quant le Sous-Préfet eut fait appel à son dévouement et à son patriotisme, il ne se croit plus le droit de refuser. Ses hésitations cessèrent. Il accepta bravement la lutte et le 14 septembre 1852, à son passage à Bourges , le Prince Napoléon le nomme Maire de Sancerre. (10)

Les difficultés qu’il prévoyait surgirent aussitôt après son installation et poussèrent pour ainsi dire sous chacun de ses pas jusqu’au dernier jour, suscitées par un protestant acharné, Monsieur Tancrède Malfuson , avoué et membre de conseil municipal, qui dirigeait à son gré tous les membres de cette assemblée, catholiques et huguenots. Malgré ces difficultés Monsieur Bonnet sut, appuyé qu’il était par l’administration préfectorale, qui l’appréciait hautement, triompher de tous les obstacles et amener le conseil municipal à voter successivement la dépense du macadamisage des rues, la réorganisation de la compagnie de pompiers, le changement de cimetière, l’éclairage de la ville, la création d’un bureau téléphonique, l’agrandissement de l’église paroissiale et une foule d’autres améliorations. (11)

Il fut nommé membre du comité d’hygiène médecin des épidémies pour l’arrondissement {Bonnin page : 205} et dans ces dernières fonctions il adressa à l’administration, à l’occasion d’épidémies qui avaient éclaté en Sologne , des rapports qui furent très remarqués. (12)

Pour le récompenser des son dévouement l’Empereur Napoléon III le fit Chevalier de la Légion d’Honneur à l’occasion de la Fête Nationale du 15 août 1859. Monsieur le Vicomte de Bardonnet , Sous-Préfet , son supérieur hiérarchique et son ami, tint à lui annoncer le premier cette nouvelle. Le Maire et le conseil municipal étaient réunis à la Mairie (Hôtel de Ville), prêts à partir pour la messe où devait être chanté le Tedeum d’usage, lorsque Monsieur Bonnet fut informé de la décision Impériale qui le créait chevalier. Cet homme fort qui luttait avec tant d’énergie contre les délégués d’une population pour laquelle il se sacrifiait journellement, se prit à trembler comme un enfant, mais reprenant vite son sang froid, il remercia Monsieur le Sous-Préfet des sa démarche et ajouta avec la modestie qui lui était habituelle, qu’il recevrait avec gratitude la distinction dont l’Empereur voulait bien l’honorer, mais que si cette distinction lui était accordée en raison de ce qui avait été fait d’utile dans Sancerre. C’était au conseil municipal que la ville en était redevable plutôt qu’à lui, qu’il n’avait été que l’instrument qui avait exécuté les décisions de cette assemblée, qu’il reportait donc tout l’honneur qu’il recevait en ce jour sur les délégués du pays. (13)

Il donna toute sa vie et particulièrement pendant le temps qu’il administra la ville les plus nobles exemples. Médecin dévoué et plein de talent rien ne l’arrêtent quand il était appelé auprès des malades, les plus malheureux, les plus délaissés étaient les premiers favorisés de ses visites et de ses soins. Maire modèle, bon citoyen, travailleur infatigable, aucun jour ne se passait sans qu’il ait consacré plusieurs heures à l’examen des affaires municipales et à leur exécution. Le matin, il recevait à son cabinet, à la Mairie (Hôtel de Ville), toutes les personnes sans exceptions qui avaient besoin de ses lumières ou de ses services et le soir après une journée de courses et de fatigues de toutes sortes passée au chevet des malades, dans la ville et dans les campagnes les plus éloignées, il n’omettait jamais de se rendre à la Mairie (Hôtel de Ville) et d’y rester avec moi jusqu’à 10 et 11 heures du soir pour l’expédition des affaires pressantes. Son intérêt personnel eut bien des fois à en souffrir, mais rien ne l’arrêtait quand il s’agissait de son dernier catholique fervent. Il était animé de la piété la plus sincère et de la soumission la plus entière aux prescription de notre Sainte Mère l’Église. Rien n’était plus touchant aux jours de grandes fêtes, que de le voir s’approcher de la table sainte et donner ainsi le bon exemple à ses concitoyens à ses administrés. Chef de famille modèle, vrai patriarche, il dirigeait lui-même l’instruction de ses enfants, avec l’aide de son beau frère Monsieur l’Abbé Vaillant de Guélis qui lui fut d’un précieux secours, il inculqua à chacun d’eux des principes solides et il eut en mourant la suprême {Bonnin page : 206} consolation de laisser derrière lui de digues chrétiens et de bons citoyens. (14)

Monsieur Bonnet était de haute taille, mince, se courbant un peu et se balançant en marchant, l’œil franc, le front bombé et un peu dégarni. Une belle chevelure blanche comme de l’argent couronnait sa tête et faisait encore mieux ressortir son teint fortement coloré. Il était bon, affable et naturellement timide, mais quand et s’agissait quelque chose de sérieux il lui passait une lueur légère sur la figure et alors il devenait d’une énergie extraordinaire. Sa conversation était des plus attrayantes, son style des plus élégants. Dans plusieurs circonstances, où en l’absence du Sous-Préfet il fut délégué pour présider le comice agricole, il prononça des discours qui furent très appréciés. (15)

Monsieur le Curé Pény , Monsieur le Vicomte de Bardonnet et Monsieur Bonnet étaient pour ainsi dire inséparables. C’était une sorte de trinité marchant dans l’accord le plus parfait, ce qui faisait dire dans le public, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans la description de l’Église de Notre Dame de Sancerre, que c’étaient trois têtes dans un bonnet. (16)

Il ressentit au commencement de 1864, les premières atteintes du mal qui devait l’emporter et j’en plus le premier instruit. Un matin, vers neuf heures et me rendant chez lui pour y prendre les pièces arrivées par le courrier, je le trouvai dans la chambre étant au dessus de la remise faisant face à la porte cochère. Il était seul et en train de se raser. Il me fit part qu’il venait de découvrir autour de son cou une sorte de chapelet de glandes et il me dit d’un ton triste mais résigné : vous voyez cela ! Eh bien ! J’en mourrai avant peu, mais je vous en prie n’en parlez à personne. En effet, peu après il devint anémique. Il traîna jusqu’au huit octobre de l’année suivante. Avant de mourir, il reçut tous les sacrements avec les sentiments de la plus vive piété et il expira en chrétien. Comme il avait vécu, offrant à Dieu ses souffrances, pour sa famille et pour ses administrés. (17)

La population de Sancerre fut plongée dans la douleur à la nouvelle de cette mort attendue pourtant de jour en jour. Aux obsèques qui eurent lieu le lendemain elle assistait toute entière avec une foule considérable de personnes venues des communes voisines. (18)

Monsieur le Vicomte de Bardonnet , assisté des adjoints, du conseil municipal, des fonctionnaires des ordres judiciaire et administratif, étaient en tête du cortège avec la compagnie de sapeurs pompiers. (19)

Pour se rendre au cimetière Saint Ladre le cortège s’écarte de itinéraire habituel. Il suivit la Rue Saint Jean , la Place de la Halle , la Rue et la Place de la Porte César , le Rempart des Augustins et la Rampe des Abreuvoirs au Rue de Bourges . (20)

Le corps fut déposé dans la première concession à perpétuité du cimetière, mise gratuitement à la disposition de la famille par le conseil municipal qui fit plus tard posés en cet endroit {Bonnin page : 207} une belle pierre tumulaire avec plaque en marbre blanc, aux frais de la ville. (21)

Après les dernières prières de l’Église, Monsieur le Vicomte de Bardonnet , Sous-Préfet , prit la parole et s’exprima en ces termes : (22)

« Messieurs, (23)

Maintenant qu’a cessé de se faire entendre la prière touchante par laquelle l’Église annonce à la terre qu’un de ses enfants vient de retourner au ciel, qu’il me sait permis d’adresser un dernier adieu à celui qui fut mon ami et que je pleure avec vous ! (24)

Il ne faut pas d’ailleurs que l’homme de bien descende dans sa tombe sous qu’une voix autorisé par l’affection et l’estime, se faisant l’interprète du sentiment public, paye à sa mémoire un légitime tribut de douleur et de regret. (25)

Mais, je l’avoue, à ce moment suprême où tout ce qui touche au temps s’efface devant la pensée de l’éternité, je ne me sens ni la volonté ni le courage de retracer les actes de la vie publique de l’honorable Maire de Sancerre. (26)

Mieux que personne, cependant, je pourrais dire comment, dans l’exercice de ses fonctions, il sut acquérir d’imprescriptibles droits à la reconnaissance de ses concitoyens, quel précieux concours il prêta à l’administration dont il fit un des agents les plus sages et les plus éclairés, puis rappelant tous ses titres à la haute bienveillance du souverain, je pourrais ajouter que jamais l’Empereur, si juste appréciation du vrai mérite, ne plaça sur une poitrine plus digne de la recevoir l’insigne de l’honneur et de la fidélité au devoir. (27)

Mais, je le répète, dans cet instant solennel, ces pensées n’ont point accès dans mon cœur. C’est dans la contemplation de cette âme vraiment chrétienne, devant laquelle se sont ouverts les tabernacles éternels, que ma douleur s’adoucit et se calme. (28)

Puisse t’il en être ainsi pour cette famille si cruellement éprouvée, pour vous tous qui m’écoutez et qui mêlez vos lames aux nôtres. (29)

Adieu, Bonnet , fidèle ami, nous te suivrons avec courage et confiance dans la voie où tu nous précèdes, car nous savons qu’elle conduit au céleste séjour que le seigneur, dans la miséricorde infinie, réserve à ses élus. (30)

Adieu, ami à jamais regretté, dors ton dernier sommeil à l’ombre du signe sacré de la rédemption qui fut ta consolation et ta joie pendant ta vie, ta force et ton espérance au jour de ta mort. » (31)

Ce discours prononcé d’une voix émue produisit une vive impression parmi les assistants. (32)

{Bonnin page : 208} (33)

Les habitants de Sancerre venaient de perdre le défenseur de leurs plus chers intérêts. Moi j’avais perdu plus que celui, j’avais perdu le meilleur des amis, un vrai père. (34)